Me voici, Seigneur…
Pour rien qu’une caresse de ta main
Pour rien que la lumière de ton regard
Pour rien qu’un bon sourire de pardon
Pour rien qu’un p’tit baiser d’éternité
j’ai tout quitté et je m’en vais et me voilà
rien qu’un souffle d’espérance
rien qu’un soupir de vrai bonheur
rien qu’un désir de liberté
rien qu’un p’tit baiser d’éternité pour toi
pour tout l’monde entier
frère Christophe LEBRETON (Moine de Tibhirine)
Pourquoi ? Pour qui ?
Les personnes qui engagent le dialogue avec nous sur le sujet de la vocation monastique l’abordent fréquemment sous l’angle du « pourquoi » ? Cette entrée en matière nous déconcerte plutôt car, pour tenter d’éclairer le mystère de notre vocation, nous sommes plus à l’aise de l’aborder par le biais du « pour qui » ?
En effet, si le « pourquoi » et le « comment » de notre vocation demeurent le plus souvent « insaisissables », nous n’avons aucun doute quant à l’identité de Celui qui en est à la fois l’origine et la fin : le Christ.
« Séduites » (Jr 20,7) ou « saisies » (Is 41, 9-10) par le Christ, nous avons perçu – plus ou moins rapidement, plus ou moins facilement – que notre chemin de Vie et de bonheur serait de marcher avec lui sur la voie cistercienne, alors nous nous sommes « levées » et avons « tout quitté » pour répondre à son appel :
Lève-toi, mon amie, ma toute belle, et viens…
Vois, l’hiver s’en est allé, les pluies ont cessé, elles se sont enfuies.
Sur la terre apparaissent les fleurs, le temps des chansons est venu et la voix de la tourterelle s’entend sur notre terre.
Le figuier a formé ses premiers fruits, la vigne fleurie exhale sa bonne odeur.
Lève-toi, mon amie, ma toute belle, et viens…
Cantique des cantiques 2, 10-13
Comment ?
Répondre à l’appel suppose un saut dans la confiance : nous mettre en route avec le Christ et laisser l’Esprit Saint écrire le scénario de l’aventure de notre vie avec Lui.
Considérant l’évolution des différentes formes de vies consacrées et des sociétés dans lesquelles elles prennent corps, l’Église a élaboré de précieux repères pour la formation à la vie de disciple du Christ.
Désormais, trois étapes principales ponctuent les premières années : le postulat, le noviciat, le temps de la profession temporaire.
Devenir disciple
La formation à la vie monastique contemplative est basée sur une rencontre personnelle avec le Seigneur. Elle commence par l’appel de Dieu et la décision de chacune de suivre, selon son propre charisme, les pas du Christ, en tant que disciple, sous l’action de l’Esprit Saint (n° 221).
Graduation
[Cette formation] doit être organisée, graduelle et cohérente dans ses différentes étapes, car elle est appelée à promouvoir le développement de la personne de manière harmonieuse et progressive, en respectant pleinement le caractère unique de chacune (n° 226).
La formation initiale est structurée en trois étapes consécutives : le postulat, le noviciat, et le temps de la profession temporaire (n° 251).
Maturation
En gardant à l’esprit que la personne se construit très lentement, et que la formation doit être attentive à enraciner dans le cœur « les sentiments du Christ envers son Père » et les valeurs humaines, chrétiennes et charismatiques propres, « un laps de temps suffisamment long doit être réservé à la formation initiale » (n° 253).
Discernement
Pendant ce temps « un discernement serein, libre de toute préoccupation de nombre ou d’efficacité » doit être mis en œuvre. De plus, dans chaque monastère, une attention particulière doit être accordée au discernement spirituel et vocationnel, en assurant un accompagnement personnalisé des candidates et en promouvant un parcours de formation adapté, en accordant une attention particulière à ce que la formation soit vraiment intégrale – humaine, chrétienne et charismatique – et touche toutes les dimensions de la personne (n° 254).
Extraits de l’Instruction « Cor Orans » (chapitre V : Formation) pour l’application de la Constitution apostolique « Vultum Dei quærere » sur la vie contemplative féminine, du 15 mai 2018.
Le Postulat
« Le postulat est une période d’initiation et d’adaptation progressive à la vie cistercienne. La maîtresse des novices apprend aux postulantes à entrer dans la prière, dans l’Office divin et dans la lectio divina. Elle les aide aussi à surmonter les difficultés qu’elles rencontrent et qui sont propres à cette étape : difficultés liées à la séparation physique et affective des activités et des relations qui faisaient partie de leur vie avant l’entrée au monastère.
Bien qu’il ne soit pas un temps d’études, toutefois le postulat sera le moment, pour certaines, si cela n’a pu être réalisé plus tôt, de compléter leur instruction catéchétique de manière à ce qu’elles bénéficient mieux de l’enseignement donné au noviciat. »
n° 27 Charte de Formation de l’Ordre Cistercien de la Stricte Observance (O.C.S.O. ou Ordre des « Trappistes »)
La durée du postulat n’est pas strictement délimitée. Cette flexibilité permet de s’ajuster au rythme d’adaptation de chacune. Cependant, le plus souvent, il s’écoule environ une année entre l’arrivée en communauté et l’admission au noviciat.
Le Noviciat
L’entrée au noviciat est marquée par la « prise d’habit ». Revêtir l’habit blanc des novices constitue un acte symbolique fort qui manifeste le désir de la personne qui pose ce geste à poursuivre son chemin de discernement et d’expérimentation de vie monastique, en cette communauté et en ce lieu.
De son côté, en lui remettant ce nouvel habit, la communauté s’engage à offrir à la novice tout ce dont elle aura besoin pour vivre cette nouvelle étape qui consiste en « un temps d’intégration personnelle de la vie cistercienne ».
« Par la prière, l’ascèse, le progrès dans la connaissance de soi et la participation à la vie de la communauté, les novices font une expérience personnelle plus profonde de ce qu’implique la vie selon la « conversatio » cistercienne. Elles doivent continuer leur développement humain et spirituel et grandir dans une relation personnelle avec le Christ. » n° 29 Charte de Formation de l’O.C.S.O.
L’étape du noviciat dure habituellement deux ans.
La Profession temporaire
« Par la profession monastique, la sœur est consacrée à Dieu et agrégée à la communauté qui l’accueille. En même temps, la consécration qu’elle a reçue au baptême et à la confirmation est rénovée et vivifiée. La sœur s’engage à une vraie conversion de vie, en persévérant dans la stabilité et en obéissant joyeusement jusqu’à la mort. » Constitution des Moniales O.C.S.O. n° 8
« Quand les novices prononcent leurs premiers vœux, elles sont encore jeunes dans la vie monastique. … Durant cette période de leur formation, qui continue et complète de façon moins structurée et sur un temps plus long ce qui a été réalisé auparavant, les jeunes professes apprennent à agir davantage d’après des critères intériorisés et entrent dans une participation plus large aux activités et aux responsabilités de la communauté.
Par le programme de leurs études monastiques, les jeunes professes sont conduites, d’une part, à une connaissance plus vive du contenu de la foi et du patrimoine monastique et sont invitées, d’autre part, à une réflexion plus profonde sur leurs propres convictions et valeurs. »
Extraits des n° 36, 39 et 40 Charte de Formation de l’O.C.S.O.
Lors de la célébration privée de la profession, le scapulaire blanc de novice est remplacé par le scapulaire de couleur noire accompagné de la ceinture de cuir caractéristiques de l’habit que portent les membres de l’Ordre cistercien.
La profession solennelle
« À la fin de la période de vœux temporaires, la jeune professe demandera librement à l’abbesse de faire profession solennelle. Celle-ci examinera, avec la responsable des jeunes professes et les professeures le progrès spirituel et humain, c’est-à-dire si elle a une maturité humaine suffisante pour prendre un engagement libre et responsable qui lui permette de vivre sa consécration avec fidélité à travers les multiples difficultés et évolutions qui caractérisent le cheminement spirituel, et si elle accepte la communauté avec son identité propre et est disposée à la servir. Si l’abbesse rencontre chez la jeune professe ces qualités, jointes à un progrès dans la vie d’oraison, elle la présentera au vote de la communauté. » n° 45 Charte de Formation de l’O.C.S.O.
« Par la profession des vœux solennels, la sœur se donne au Christ en esprit de foi et s’engage à vivre pour toujours dans sa communauté selon la Règle de saint Benoît. L’abbesse et les sœurs l’accueillent avec bienveillance dans la communauté, sachant qu’elles s’obligent au devoir de l’aider par leurs prières et leurs exemples à revêtir de plus en plus la ressemblance du Christ. Par la profession solennelle, la sœur est incorporée définitivement dans l’Ordre, avec les droits et les devoirs définis par le droit. » Constitution des Moniales O.C.S.O. n° 56
La prostration durant la « litanie des saints », la signature de la « cédule » sur l’Autel, la remise de la coule et du voile noir, le geste d’accueil par chaque sœur de la communauté, constituent quatre moments particulièrement forts de la célébration d’une profession solennelle.
Mettre le Christ au cœur de notre vie
« Ne rien préférer à l’amour du Christ »
« Ne rien préférer à l’amour du Christ » : c’est absolu ! (…) Mais c’est ce que Jésus dit dans l’évangile : « Si quelqu’un veut être mon disciple, qu’il se renonce à lui-même, qu’il prenne sa croix et qu’il me suive. » (Mt 16, 24) Il appelle ses disciples à des renoncements importants. Renoncer à quelque chose n’a de sens que pour s’engager plus profondément à autre chose. Ceci est vrai humainement ! À combien de choses ne devons-nous pas renoncer dans la vie, pour de meilleures ou, au moins pour d’autres qui nous tiennent plus à cœur, qui nous attirent davantage ? C’est particulièrement vrai pour le disciple de Jésus.
« Une expérience d’amour »
On ne peut aimer sans avoir fait l’expérience de l’amour, sans avoir fait l’expérience d’être aimé. On ne peut aimer le Christ sans avoir fait l’expérience d’être aimé de Lui. On ne peut aimer Dieu sans avoir fait l’expérience d’être aimé par Dieu dans le Christ – amour de Dieu incarné dans un amour humain.
Cette expérience de l’amour du Christ (amour du Christ pour nous et notre amour pour lui) est au cœur de notre vie chrétienne. Il s’agit d’une expérience existentielle, qui va bien au-delà de ce que nous sentons. Cette expérience de foi, qui s’accompagne d’une certitude viscérale, peut en effet se répercuter au niveau de notre sensibilité humaine dans une grande joie de « sentir » la présence de Dieu, la présence du Christ. Elle peut aussi être ressentie vivement dans un sentiment d’absence. Présence en creux !
« Un chemin d’humanisation »
Mettre le Christ au cœur de notre vie chrétienne et monastique consiste, non pas à essayer de devenir des anges, mais à devenir de plus en plus « humains », à l’image du Dieu qui s’est fait homme. Devenir de plus en plus humains comme Dieu lui-même l’a fait : vivre à plein les valeurs de communion, de fraternité et d’amour, non seulement entre nous, mais à l’égard de la société au milieu de laquelle nous vivons, de l’Église dont nous sommes, et de l’ensemble du monde. Essayer de regarder le Monde et l’Église avec les yeux du Christ Jésus, voilà bien encore ce que signifie « mettre le Christ au cœur de notre vie ».
Alors toute la Bible reprend son sens. En la relisant constamment, nous communions au long cheminement de l’humanité vers une humanisation toujours plus grande qui trouve son achèvement dans l’incarnation de Dieu. Et nous prenons constamment conscience qu’il nous faut refaire chaque jour, chacun pour nous-mêmes, ce même cheminement.
Pour les jeunes femmes qui se sentent concernées et attirées par la vie cistercienne, la communauté offre la possibilité de l’expérimenter quelques jours dans le cadre d’un séjour découverte.